En octobre, plus de deux ans après la disparition du dernier caribou de la vallée de la Maligne dans le parc national de Jasper, Parcs Canada a annoncé un plan provisoire de reproduction en captivité des caribous. Les femelles d’autres troupeaux seront rassemblées et enfermées dans une installation près de la ville de Jasper.
Le plan doit d’abord être évalué par des experts, ce qui aura probablement lieu en janvier. Mais Stan Boutin, biologiste à l’Université d’Alberta, voit ces solutions de dernier recours comme étant nécessaires pour sauver les troupeaux de caribous.
Il ne reste plus que trois troupeaux dans le parc national de Jasper. Aucun d’entre eux ne se porte bien. Le troupeau de Tonquin, qui compte 45 têtes, a diminué du tiers depuis 2010. Celui de Brazeau ne compte plus que 15 caribous et aucun ne compte assez de femelles pour faire croître la population. Le dernier bastion est le troupeau À la Pêche, avec 150 caribous migrateurs à l’extrémité nord du parc.
Parcs Canada cherche des moyens de sauver les caribous depuis des décennies. En 2002, la société d’État a proposé un plan de fermeture de la route Maligne, qui mène à la base de l’aire d’hivernage alpine du caribou, afin de rendre cette zone plus difficile d’accès pour les loups prédateurs.
Mais les fonctionnaires ont abandonné l’idée quatre jours après que le plan ait été rendu public et que le monde des affaires s'en soit plaint. Le plan de rétablissement du caribou n’a jamais atteint la phase de consultation publique. Le monde des affaires s’en est félicité tandis que les biologistes du parc en ont été fort attristés.
Les scientifiques s’inquiétaient qu’un animal noble comme le caribou puisse disparaître d’un parc national au Canada, comme ce fut le cas pour le troupeau de Banff en 2009. Dans le magazine Conservation Biology, plusieurs ont fait remarquer que le dernier caribou forestier du sud du parc national de Banff est mort le jour où la physe des fontaines de Banff, un petit escargot, devenait la seule espèce, sur les 449 inscrites, à bénéficier du processus de conservation complet prévu dans les lois canadiennes sur les espèces en péril.
La législation fédérale oblige le gouvernement à protéger les espèces en péril, et en 2011, il a lancé un programme de reproduction en captivité du caribou des montagnes du sud avec Parcs Canada, le gouvernement de la Colombie-Britannique et le zoo de Calgary. Ce programme devait être un nouveau départ et la pierre angulaire de la stratégie de conservation du caribou, mais l’accord a pris fin en 2015.
Les programmes de conservation fondés sur la science dans les parcs en montagne se sont longtemps opposés au tourisme. Le responsable de la conservation des ressources de Jasper a été licencié en 2015 et plusieurs soupçonnent que c’était parce qu’il avait fait pression pour publier un rapport sur la façon dont l’expansion des pistes de ski de Jasper affecterait le troupeau de caribous menacé du Tonquin.
Son départ a coïncidé avec un projet d’hébergement touristique dans la vallée de Maligne.
Il n’y a pas que les caribous de Jasper, Banff et d’autres parcs nationaux qui ont souffert. Dans les années 1970, Parcs Canada a hésité à mettre un terme au grave déclin du caribou forestier dans le parc national Pukaskwa, sur les rives du lac Supérieur.
Il n’y avait alors qu’environ 24 caribous, et la population est passée à seulement cinq individus en 2009, avant de disparaître complètement. Les caribous n’étaient pas si présents à Pukaskwa, mais ne rien faire en observant leur disparition ne devrait pas non plus être une option.
Une personne tenant une antenne en l’air près d’un lac avec en toile de fond des montagnes enneigées
Parcs Canada a fait son effort pour les espèces menacées et la reconstitution de la faune. Les bisons, parexemple, ont été réintroduits avec succès à Banff récemment,mais cette espèce peut s’adapter à presque tous les écosystèmes. Parcs Canada a également réussi l'opération délicate d’éliminer l’omble de fontaine, une espèce de truites invasive en introduisant un pesticide dans certains lacs, ce qui aurait pu être un cauchemar en matière de relations publiques.
Les caribous sont différents. Tout comme les ours polaires, ce sont des animaux qui subissent les effets du climat. Ils ont besoin de zones montagnardes, de tourbières et de marais boisés pour échapper aux prédateurs, fuir les feux de forêt et trouver de la nourriture.
Ils ont du mal à le faire en dehors des parcs nationaux, où les tourbières situées sur des sites d’exploitation pétrolière et gazière, d’exploitation forestière et d’extraction du charbon sont scindées et grugées par les routes, les lignes sismiques et les opérations d’exploitation des sables bitumineux.
En 1992, le naturaliste Ben Gadd a prédit que les caribous disparaîtraient de Jaspersi Parcs Canada ne mettait pas en place deux grandes zones d’exclusion pour les protéger. Lui et d’autres membres de la Jasper Environmental Association avaient l’oreille des biologistes du parc à l’époque, mais pas le soutien d’Ottawa.
Les hauts fonctionnaires se sont toujours pliés à la volonté des milieux d’affaires d’agrandir les pistes de ski et de construire des routes et des monuments, dont le monstrueux monument Mère Canada dans le parc national du Cap-Breton, même si cela violait l’esprit de la Loi sur les parcs nationaux.
Les ministres viennent rarement à la rescousse, car peu d’entre eux restent longtemps en poste. Depuis 1971,30 ministres ont été responsables de Parcs Canada. Deux seulement ont duré plus de trois ans,et16 ont occupé le poste pendant moins d’un an ou un peu plus.
En 2018, réalisant que la société d’État avait perdu son âme, Catherine McKenna, ex-ministre de l’Environnement, avait déclaré qu’il était temps de remettre Parcs Canada sur la voie de la conservation. Alors que McKenna est maintenant ministre de l’Infrastructure, les juges et les groupes environnementaux tentent de tenir Parcs Canada et le gouvernement fédéral imputables.
Le programme de rétablissement des caribous à Jasper est grandement nécessaire, mais il fait probablement trop peu, trop tard. Il n’y a tout simplement plus assez de caribous pour faire grossir les troupeaux.
Cela suggère également qu’il est plus facile pour le gouvernement canadien d’élever des caribous en captivité que de s’occuper de ce qui les menace dans la nature. Et c’est un triste constat sur une société d’État dont la « priorité » est de protéger « les patrimoines naturel et culturel de nos zones sensibles et de s’assurer de leur intégrité »
Le Premier ministre Justin Trudeau n’a rien déclaré sur l’intégrité écologique des parcs nationaux lorsqu’il a confié à Jonathan Wilkinson le mandat de supervision d’Environnement Canada et de Parcs Canada. Il faut maintenant un conseil consultatif national doté de pouvoirs légaux et contraignants, qui puisse assurer l’indépendance de Parcs Canada et le protéger de l’ingérence politique. En cette ère de changements climatiques, le maintien du statu quo n’est pas un gage de succès.
Après avoir délaissé Port-Royal, à la suite du ralentissement de la traite, le vice-amiral de l’Acadie Charles de Biencourt de Saint-Just s’installe à la Baie Courante et au Cap Nègre dès l’hiver 1617-1618.
La Baie Courante (ou Anse Courante) est parsemée d’îles dangereuses à cause des rochers à fleur d’eau et des courants de marées très violents[1].
Extrait. Description des côtes, points, ports et îles de la Nouvelle-France, par Samuel de Champlain. 1607.
Cap Fourchu (A), Anse Courante (B), Cap de Sable (C) et Cap Nègre (D).
(Source : Bibliothèque numérique Mondiale. Library of Congress. G3321.P5 1607. C4)
C’est le silence à Port-Royal
Avec les vingt-cinq hommes de sa troupe, écrit Adrien Huguet, Charles de Biencourt en arrive à mener une existence errante et lamentable dans la société des Souriquois dont il partage les occupations périlleuses, les fatigues et les privations.
Sa colonie décimée ne reçoit plus d’autres recrues que des matelots évadés des cales des terre-neuviers, des volontaires en rupture de bord, débarqués aux ports Canseau et de La Hève. Ces hommes introduisent à Port-Royal des habitudes nouvelles, plus indépendantes, plus vagabondes, moins laborieuses, moins tempérantes, moins réservées dans les rapports avec les filles sauvages, poursuit Huguet.
Miné par la misère et l’épuisement, Biencourt meurt en 1623 à l’âge de 31 ans.
(Source : Adrien Huguet, « Jean de Poutrincourt 1557-1615. Campagnes, voyages et aventure d’un colonisateur sous Henri IV » dans Mémoires, Société des Antiquaires de Picardie, Amiens, tome XLIV, 1932, p. 479)
Entre 1613 et 1621, de multiples opérations commerciales sont effectuées entre Samuel Georges et Jean Macain, marchands rochelais, et Charles de Biencourt.
Pour cette période, deux engagés sont recrutés par David Lomeron, marchand, secrétaire de Charles de Biencourt, écuyer, sieur de Poutrincourt, baron de Saint-Just, « grand Sagamos des Souriquois et Étchemins et pays adjacents », vice-amiral et lieutenant général en toute la Nouvelle-France, demeurant à la Baie Courante.
Le 11 janvier 1620[2], le chaudronnier rochelais Daniel Maridain se présente dans l’étude du notaire protestant Paul Chesneau, de La Rochelle, pour convenir de ses conditions d’engagement. Il promet de s’embarquer, dans six semaines, avec Lomeron dans le navire qu’il équipera pour aller retrouver le sieur de Biencourt à la Baie Courante.
Fait étonnant, il est engagé, non pas à titre de chaudronnier, mais plutôt pour faire la traite de pelleteries avec les Sauvages et l’entretien de toutes les armes qui seront dans le navire; de plus, il obéira à ce qui lui sera commandé par le sieur de Biencourt. Pour ce faire, Maridain apportera avec lui tous les outils et instruments nécessaires. Il sera nourri et logé de son départ jusqu’à son retour en France pour un salaire de 120lt. Même salaire, si de Biencourt requiert les services de Maridain pour l’hivernement de 1620-1621.
Le 16 janvier suivant[3], c’est au tour du chirurgien et pharmacien rochelais Pierre Debrie d’imiter Daniel Maridain. Cette fois, le nom du navire est mentionné. Ainsi, Debrie promet de s’embarquer « du premier beau temps que Dieu donnera » dans le navire Le Plaisir, de La Rochelle, pour aller avec Lomeron et l’équipage au voyage de la Nouvelle-France. Il sera tenu de servir et faire la fonction de pharmacien et chirurgien et s’emploiera à tout ce qui lui sera commandé par Lomeron et, en Nouvelle-France, par le sieur de Biencourt qui en aura charge à la Baie Courante. Il sera nourri et logé pendant son séjour au salaire de 135lt incluant son coffre. Il reconnaît avoir déjà reçu la somme de 75lt de Lomeron. Le reste lui sera payé à son retour en France.
Il est accordé que si de Biencourt désire que Debrie hiverne (1620-1621), il lui sera payé pour son « hivernation » et nourriture la somme de 195lt. Par contre, si Debrie retourne à La Rochelle à l’automne, il ne sera pas tenu de laisser ses médicaments au chirurgien sur place.
Voici le contrat d’engagement de Pierre Debrie en 1620.
Pacte Debrie-Lomeron
Personnellement établit David Lomeron, secrétaire de Charles de Biencourt, écuyer, sieur de Poutrincourt, baron de Saint-Just, grand Sagamos des Souriquois et Etchemins et pays adjacents, vice-amiral et lieutenant général de Monseigneur l’amiral en toute la Nouvelle-France, demeurant à la Baie Courante en ladite Nouvelle-France, d’une part. Et Pierre Debrie, chirurgien et pharmacien, demeurant en cette ville, d’autre part. Entre lesquelles parties a volontairement été fait et passé ce qui s’en suit. C’est à savoir que ledit Debrie a promis de s’embarquer du premier beau temps que Dieu donnera dans le navire nomme Le Plaisir, de cette dite ville, pour aller avec ledit Lomeron et l’équipage que ledit Lomeron y mettra audit voyage de la Nouvelle-France et y servir et faire par ledit Debrie la fonction de pharmacien et chirurgien tant allant, séjournant que retournant. Et encore s’employer à tout ce qui lui sera commandé par ledit Lomeron ou qui de lui aura charge. Et étant de par de-là aussi à tout ce qui lui sera commandé par ledit sieur de Poutrincourt, ou qui de lui aura charge. Ce fait, s’en retourner de par de-là dans ledit navire et ce, tant pour et moyennant la somme de cent trente-et-cinq livres tournois pour son coffre, salaire et loyer. Sur quoi, ledit Debrie a confessé avoir eu et reçu aujourd’hui, auparavant ces présentes, dudit Lomeron audit nom la somme de soixante-et-quinze livres de laquelle il se contente et en quitte ledit Lomeron qui a promis et sera tenu de bailler et payer le restant, montant soixante livres, audit Debrie incontinent après que ledit navire sera de retour en cette ville de La Rochelle, à port de Salut et bon sauvement pour tout délai. Que outre moyennant que ledit Lomeron a promis et sera tenu de nourrir et héberger ledit Debrie sans diminution du susdit prix aussi tant allant, séjournant que retournant. Et est accordé entre les parties que si ledit sieur de Poutrincourt désire que ledit Debrie hiverne de par de-là avec lui, icelui Debrie sera tenu comme il a promis d’y demeurer jusqu’à l’année prochaine moyennant qu’aussi outre sa dite nourriture, il lui sera payé pour sa dite hivernation, par ledit] sieur de Poutrincourt, la somme de cent quatre-vingt-quinze livres lorsqu’il s’en voudra retourner de par deçà où il sera conduit aussi aux dépens dudit sieur de Poutrincourt et dans le vaisseau qu’il enverra l’année prochaine de par deçà. Et où ledit Debrie s’en retournerait sans hiverner, il ne sera tenu de laisser aucun de ses médicaments ou ferrements au chirurgien qui est de par de-là, sinon en le payant de la juste valeur desdits médicaments ou ferrements. Et pour l’effet et exécution des présentes, lesdites parties ont élu leur domicile en cette ville; savoir ledit Lomeron, audit nom, au logis de la Fontaine, rue du Minage, et ledit Debrie en la maison de Balthazar Debrie, maître apothicaire, demeurant en cette ville, son frère, pour y recevoir de part et d’autre tous commandements, actes et exploits de justice nécessaire qu’il promet avoir pour agréable et tant être de même effet, force et vertu que si fait étaient à sa personne ou domicile ordinaire irrévocablement. Ce stipulant les parties et pour ce faire icelles défense en leur endroit sans venir au contraire à peine de tous dépens, dommages et intérêts. Elles ont obligé l’une à l’autre tous et chacune leurs biens meubles et immeubles présents et à venir quelconques. Et outre ledit Debrie à tenir prison comme pour deniers royaux. Renonçant &. Fait à La Rochelle, en l’étude dudit notaire après-midi, le seizième de janvier mille six cent vingt. Présents Jean Guillemard et Paul Coignard, clerc, demeurant en ladite Rochelle. Signatures.
Extrait. Contrat d’engagement de Pierre Debrie pour la Nouvelle-France. 16 janvier 1620.
(Source : AD17. Notaire Paul Chesneau, 3E249, fol. 11v, 12r)
Qui sont ces engagés de 1620 ?
Pierre Debrie Daniel Maridain
Les deux engagés sont originaires de La Rochelle (Aunis).
Les engagés protestants rochelais Pierre Debrie et Daniel Maridain quittent La Rochelle, probablement en mars, pour la Baie Courante, en Nouvelle-France (Acadie), à bord du navire Le Plaisir (80 tx).
Le navire Le Plaisir fait voile pour la deuxième fois en Nouvelle-France, à la suite d’un contrat de charte-partie du 28 novembre 1619, souscrit par David Lomeron au nom du sieur de Biencourt. Le contrat est déclaré résolu par un acquit du 29 octobre 1620[4].
Que sont-ils devenus ?
Les deux engagés (100 %) retournent en France dès leur engagement terminé ou peu après : Debrie (1620) et Maridain (1621).
DEBRIE, Pierre
Demeurant à La Rochelle (Aunis), Pierre Debrie s’engage à David Lomeron, le 16 janvier 1620, pour aller travailler en Nouvelle-France, pour quelques mois, à titre de chirurgien et pharmacien, pour un salaire de 135 livres (avance de 75 livres). Il signe. Il est le frère de Balthazar Debrie, maître apothicaire rochelais. Il quitte La Rochelle, probablement en mars 1620, à bord du navire Le Plaisir (80 tx) à destination de la Baie Courante (Nouvelle-France). Semble être reparti en France à l’automne 1620.
Est-ce lui qui épouse Anne Imbert, le 1er février 1603, dans la salle Saint-Yon à La Rochelle ?
Extrait. Engagement de Pierre Debrie. 16 janvier 1620.
(Source : AD17. Notaire Paul Chesneau. 3E249, fol. 11v, 12r)
MARIDAIN, Daniel
Demeurant à La Rochelle (Aunis), le chaudronnier Daniel Maridain s’engage à David Lomeron, le 11 janvier 1620, pour aller travailler en Nouvelle-France, pour quelques mois, pour faire la traite des pelleteries et l’entretien d’armes pour un salaire de 120 livres (aucune avance). Ne signe pas. Il quitte La Rochelle, probablement en mars 1620, à bord du navire Le Plaisir (80 tx) à destination de la Baie Courante (Nouvelle-France). Semble revenir en France qu’à l’automne 1621, car le 25 septembre 1620, David Lomeron remet la somme de 30 livres à Marguerite Hastier, épouse de Maridain, en déduction de son salaire.
Le 29 janvier 1605, Daniel Maridain avait épousé Marguerite Hastier, dans la salle Saint-Yon à La Rochelle.
L’augmentation des seuils d’immigration nuit-elle au français au Canada? L’ancien fonctionnaire fédéral et auteur de «Disparaître?», Jacques Houle, en est convaincu. Selon lui, ce phénomène, conjugué à la pression croissante de l’anglais dans la vie publique, menace la survie du français en Amérique du Nord. Il a partagé son analyse avec Sputnik.
Depuis la création de la fédération canadienne en 1867, deux langues officielles coexistent au Canada: l’anglais et le français. Dans son livre Disparaître? publié aux éditions Liber, Jacques Houle, ancien cadre à Emploi et Immigration Canada, s’inquiète de l’hégémonie de l’anglais, que l’augmentation des seuils d’immigration renforcerait. Sputnik s’est entretenu avec cet auteur, dont le livre connaît actuellement un succès de librairie au Québec.
Sputnik France: Selon vous, dès la conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques en 1759, l’immigration a été utilisée pour réduire la proportion de francophones au Canada. Croyez-vous qu’il s’agisse encore d’une stratégie délibérée du gouvernement fédéral? Cet objectif n’a pourtant jamais été explicité par le gouvernement.
Jacques Houle: «Ce n’est pas exactement un objectif, mais une tendance, une conséquence. Le fait demeure: avant la Conquête de 1759, il y avait 100% de francophones. Graduellement, l’immigration –d’abord britannique– est venue réduire progressivement cette majorité de souche de langue maternelle française. Dès 1840, les Canadiens français étaient tombés à moins de 50%. Aujourd’hui, les Canadiens d’ascendance française représentent environ 21% à l’échelle canadienne. Selon les prédictions de Statistique Canada –le bureau officiel de la statistique du gouvernement fédéral– cette proportion est appelée à encore diminuer.
[…] C’est un phénomène historique. Les Britanniques ont plusieurs fois tenté d’imposer artificiellement une majorité anglaise en Amérique du Nord. […] Ce n’est pas un complot, mais une tendance qui sert la majorité de langue anglaise».
Sputnik France: Vous affirmez que les francophones hors du Québec ne seront pas en mesure de préserver leur langue. Dans quelques décennies, le français pourrait avoir disparu dans les provinces où les francophones sont déjà minoritaires. Au contraire, l’immigration ne renforce-t-elle pas la francophonie canadienne, compte tenu du grand nombre d’immigrés africains parlant français?
Jacques Houle: «Selon Statistique Canada, en 2011, la proportion de francophones au Canada, sans le Québec, était de 3,8%. Cette proportion va passer à 2,8% en 2036. C’est-à-dire que politiquement, nous ne faisons plus le poids hors du Québec. La seule exception étant la province du Nouveau-Brunswick –l’ancienne Acadie française– où là, les francophones vont se maintenir autour de 25%. En Amérique, l’avenir du français se joue donc exclusivement au Québec, où existe encore une majorité de langue maternelle française.
[…] Évidemment, les immigrants francophones africains et maghrébins parlent français. Cependant, rapidement, ils choisissent l’acculturation vers l’anglais. […] Rapidement hors du Québec, les gens réalisent que le français est une langue superflue, économiquement et socialement peu prestigieuse. L’immigré qui arrive ici comprend qu’il doit rapidement apprendre l’anglais. L’anglais est de plus en plus la langue que l’on exige pour être embauché».
Sputnik France: Vous proposez d’accueillir davantage de Français au Québec. En janvier dernier, le Premier ministre québécois, François Legault, avait déclenché une controverse en déclarant qu’il voulait privilégier cette immigration. Pourquoi est-ce la meilleure solution?
Jacques Houle: «Nous sommes une population de langue maternelle et de culture françaises. C’est donc normal de choisir et de privilégier des gens de langue française. À peine 40% des immigrants qui arrivent au Québec parlent français. […] Il y a actuellement environ 350.000 allophones au Québec [pour une population de 8,2 millions de personnes, ndlr] qui ne parlent pas français, mais qui, curieusement, parlent anglais…
[…] L’an passé, près de 30.000 jeunes Français ont voulu obtenir un permis de vacances-travail. Il y a un véritable intérêt de la part de jeunes Français de venir s’établir au Québec. Les taux de chômage sont très élevés en France, alors profitons-en. Par ailleurs, nous devons aussi accueillir des populations “francophonisables”, nos frères de langue latine, surtout d’Amérique latine: des latinos, des Catalans, des Espagnols, des Italiens, des Roumains, etc.»
Sputnik France: Si cette proposition vous paraît si naturelle, pourquoi choque-t-elle alors une partie de la classe politique?
Jacques Houle: «Dès que l’on essaie de lever le voile sur l’immigration, ça choque. On le voit partout en Occident, à moins de vouloir en faire l’apologie. Dès que l’on veut aller plus loin que cette fable heureuse sur les bénéfices, on rencontre un vent contraire. On ne veut pas vraiment prendre en compte les travaux intéressants –mais critiques– qui ont été faits sur cette question. […] Nous avons sacralisé l’immigration: on dit qu’elle est nécessairement bonne. Toutefois, cette démonisation du débat sur ce sujet fonctionne de moins en moins.»
Sputnik France: Vous n’êtes pas le seul auteur à évoquer la rupture grandissante entre Montréal et le reste du Québec. En s’anglicisant, la métropole québécoise se rattacherait symboliquement au Canada anglais et laisserait tomber le reste de la province, à grande majorité francophone. Est-il possible de freiner l’essor de l’anglais dans cette ville?
Jacques Houle: «L’immigration n’est pas la seule cause du déclin du français à Montréal. Par exemple, il y a de plus en plus de politiques de bilinguisme officieux. […] Il y a une attraction de plus en plus forte de l’anglais. L’embauche des travailleurs se fait de plus en plus dans cette langue. […] Il faut travailler en amont et en aval. Il faut absolument revenir à ce qui avait été développé par le grand René Lévesque [ancien Premier ministre québécois, ndlr], c’est-à-dire une politique de francisation de l’espace public. On pourrait aussi suggérer à la mairesse de Montréal, Mme Plante, d’arrêter sa manie de s’adresser chaque fois en anglais et en français aux gens. C’est clair qu’il y un relâchement. J’encourage le gouvernement Legault à adopter des mesures beaucoup plus sévères. Il faudrait enfin avoir une politique d’immigration un peu plus raisonnable».
La flotte de 1670 à destination de Québec et Percé est composée de cinq navires : quatre de La Rochelle (L’Hélène, L’Hirondelle, La Nouvelle-France et Le Saint-Pierre) et un de Dieppe (Le Saint-Jean-Baptiste).
La frégate L’Hélène (100 tx) est le sujet du présent article
La flotte de 1670 à destination de Québec est composée de quatre navires : trois de La Rochelle (La Nouvelle-France, La Sainte-Hélène et Le Saint-Pierre) et un de Dieppe (Le Saint-Jean-Baptiste).
Le navire La Nouvelle-France (250 tx) est la propriété du marchand rochelais Pierre Gaigneur qu’il a acquit, le 5 avril 1667[1], avec quatorze pièces de canon, des marchands Gédéon Bion, Daniel Brians et Paul Bion en compagnie pour la somme de 15 700lt.